top of page

é(vie)ter la censure

Le nu est un genre artistique qui consiste à représenter le corps humain. Il est souvent associé, à tort, à la notion d’intime, d’érotisme et de pornographie. Ses limites sont constamment remises en question en fonction de la société dans laquelle il évolue. Aux quatre coins du monde, à travers toutes les époques, dans toutes les sociétés, le nu a toujours été présent. 

 

Alors que ce dernier semblait être une parfaite notion d’égalité entre les êtres humains, il est totalement rejeté et banni de notre monde. Principale cible de la censure, celle-ci interdit chaque jour un peu plus sa représentation dans nos vies. J’ai donc voulu, dans ce projet photographique, questionner ce rapport entre art du nu et censure, pour comprendre comment notre société a pu sacraliser, au point de faire disparaître, quelque chose d’aussi naturel que la nudité. 

 

Vivant dans une ère où le numérique est omniprésent, j’ai voulu axer ma réflexion sur les réseaux sociaux, essentiels à la compréhension de l’interdit au vu de leur censure répressive dans le monde d’aujourd’hui. Mon médium principal étant la photographie j’ai trouvé intéressant d’utiliser le web 2.0 comme une plateforme d’exposition pour un sujet encore considéré comme tabou dans notre société. 

 

Toute cette réflexion est donc représentée à travers un projet que j’ai nommé é(vie)ter la censure, une série d’autoportraits nus retravaillés pour être acceptés sur les plateformes numériques malgré les algorithmes de censure. La série é(vie)ter la censure est divisé en trois parties s'accordant aux diverses recherches que j'ai effectué pour la réalisation de ce sujet. A travers les clichés d’algorith.menace, notre réflexion se dirigera sur les subterfuges et mécanismes utilisés pour déjouer les lois de censure, alors qu’avec les clichés de Tester l’absurdité, nous découvrirons ensemble à quel point les algorithmes sont absurdes au point de pouvoir les ridiculiser. Pour finir avec les corps(dé)voiler et les c(orps)réatures nous réaliserons à quel point les normes ont toujours été aussi sévères à travers les siècles et n’ont finalement, pas tant évolué.

 

Pour tester la fonctionnalité des subterfuges utilisés pour déjouer la censure, toutes les photographies ont été publiées sur un compte Instagram créé spécialement pour ce projet, que je vous invite à consulter : @e.vie.terlacensure (www.instagram.com/e.vie.terlacensure/)

Pour résumer, cette série photo est finalement, une réflexion autour de la photographie nue vis à vis des réseau sociaux. De nos jours les quelques nus explicites sont ceux qui respectent la norme. A travers ces photos, j'ai tenté de défier les algorithmes des réseaux sociaux pour pouvoir afficher de la nudité non pornographique et partager ma vision du corps humain sans forcément respecter les normes instaurées et imposées par notre société patriarcale, hétéronormée et phallocentrée. 

Maéva Rossignol, é(vie)ter la censure, 2021
Autoportraits numériques, dimensions variables
Sujet de mémoire de recherche artistique, 2021 Master CARMA Toulouse

algorith.menace

La possibilité de performer son intimité à travers les réseaux sociaux fait partie de mes désirs créatifs les plus anciens. Après avoir été confrontée à une idée d’intimité sacrée et mystique qui ne correspondait en aucun cas à ma vision de l’intime, j’ai décidé de repenser la représentation de mon corps. En réalisant cette série de photographie, j’ai voulu déconstruire cette idée d’intime précieux et désacraliser ce corps n’appartenant plus au domaine du caché.

 

Cependant, comment mettre en avant un corps nu si celui-ci est censuré des plateformes de partage numérique ? Ayant grandi avec l’arrivée d’Internet, les réseaux sociaux ont été pour moi une réelle source d’inspiration et à la fois, un moyen de partager mon art. Changer de plateforme pour ce projet aurait été contraire à ma pratique, j’ai alors cherché mes propres mécanismes permettant ainsi la création d’une série adaptée à toutes les plateformes.

 

Nommée algorith.menace la série rassemble 18 autoportraits questionnant la représentation du corps dans une nudité totale ou partielle. Après avoir été retravaillés grâce à trois mécanismes, les autoportraits sont publiables sur toutes les plateformes. En effet, la nudité n’étant pas détectée par les algorithmes, les clichés permettent de poser une réflexion sur la nudité trop peu présente sur les plateformes de partage. J’ai volontairement utilisé trois subterfuges classiques et simples pour m'auto censurer, prouvant ainsi la possibilité d’une critique des normes de notre société via les réseaux accessibles à tous ceux qui le souhaiteraient.

 

En m’autocensurant, les clichés me permettent de questionner la censure imposée dans notre quotidien et à la fois, les normes de notre société quant aux représentations des corps. Ces photos jouent avec les codes de la censure, tout en les contournant. Il s’agit de contrer les limites que l’on nous impose, de passer entre les mailles de l’algorithme. Au-delà d’une simple vision esthétique, mon travail intègre à la fois une dimension politique qui vient dénoncer la disparition de la liberté d’expression. Questionnant ainsi la relation entre intime et nudité, j’impose ma vision du corps nu comme corps réel, indissociable de mon être et pour autant partageable à tous. Dans une volonté de désacraliser l’intimité, j’ai trouvé important d’affirmer mon corps dans son plus simple état à la vue de tous les regards.



Maéva Rossignol, é(vie)ter la censure ; algorith.menace, 2021

corps(dé)voilé et c(orps)réatures : Vénus 2.0

Après avoir étudié les représentations du corps entre Antiquité et Renaissance, nous prenons conscience de l’ambivalence de ces denriers entre dévoilement et dissimulation. Le domaine artistique opère un véritable combat pour correspondre à la morale de l’époque. Le drap, le voile et la feuille ont permis de dissimuler les corps tout en les laissant dévoilés aux yeux des individus. Les Vénus quant à elles, ont permis de questionner la sexualité et d’ouvrir la voie aux nombreuses représentations de nus féminins qui vont se développer les siècles suivants. En m’appuyant sur ces mécanismes et ces réflexions artistiques, permettant de contourner la censure, j’ai réalisé une production artistique en deux parties, centrée sur le voile et la Vénus.

 

A travers les six photographies nommées corps(dé)voilé j’ai voulu représenter ma propre vision du prestige du voile. En attirant le regard, ce dernier laisse apparaître ce qui se tient derrière lui tout en le cachant au premier coup d'œil. Une partie des productions joue avec le drap sec comme objet de dissimulation, alors que l'autre partie vient questionner la draperie mouillée laissant entrevoir. Le drap est l’objet de toutes les contradictions, servant à la fois d’exhibition et de censure, il permet de laisser voir, d'entrevoir, de faire deviner, tout en dissimulant. 

 

La deuxième série de productions nommée c(orps)réatures : Vénus 2.0,  propose une version moderne et personnelle de la Vénus. Cette dernière a permis la représentation des corps sans censure, une représentation parfaite pour contourner les interdits tout en requestionnant les normes. A la fois vulgaire et céleste, la Vénus n’a cessé d’évoluer. De nos jours, de nombreux artistes contemporains reprennent sa représentation pour questionner les corps. J’ai donc décidé de créer ma propre vision de la Vénus. Une Vénus modernisée qui plaît à la société car elle ne possède pas les attributs qui se voient de nos jours censurés. C’est un corps lisse ressemblant de plus en plus au mannequin, figure auquel elle semble s’assimiler dans les photographies.

 

Le lierre, censurant les statues de l’Antiquité, malgré une époque révolue est toujours présent soulignant une censure toujours d’actualité. La végétation est utilisée pour cacher ce qui n’est pas acceptable pour la société. La lumière artificielle et les supports d’exposition permettent de faire un lien entre les corps exposés dans le monde de l’art et ceux cachés dans notre société.

 

Ainsi, en reprenant les mécanismes de l’Antiquité, j’ai voulu réaliser ses productions pour montrer la censure toujours omniprésente dans nos sociétés. Malgré l’évolution de l’art à travers les époques, les réflexions, les doctrines, le nu est toujours tabou, tout comme sa représentation dans le monde artistique.



Maéva Rossignol, é(vite)ter la censure ; corps(dé)voilé et c(orps)réatures, 2021

Tester l'absurdité 

Dans la continuité du projet é(vie)ter la censure une série d’objets dérivés issues de mes propres photographies bannies des réseaux sociaux ont été créées donnant forme à une mini-série nommée Tester l'absurdité. En effet, cette série teintée d’humour et d’insolence, permet d’appuyer sur l'absurdité des règles des réseaux sociaux. Particulièrement ciblée sur l'impossibilité de poster une photo de torse de femme, à cause de la censure des tétons, ces objets permettant à l'origine de cacher ce qui est considéré comme obscène, comportent désormais les designs de l’interdit...

 

Au-delà d’une série représentant les multiples expériences et mécanismes mis en place pour que ma poitrine figure sur les réseaux sociaux, cette série se sert de l’humour pour dénoncer l’absurdité que les artistes, les internautes, les utilisateurs des plateformes, endurent chaque jour. A la fois politique et créative, cette série d'objets anti-censure dénonce une surveillance ridicule, inefficace, se servant d’un algorithme calqué sur une société genrée, patriarcale et exclusive pour les minorités. Avec humour, sous forme de jeu, et d’ironie, je me sers des codes algorithmiques pour les contourner, les éviter, comme un jeu de stratégie où le but est de fuir le méchant loup. Cela ne doit en aucun cas rendre moins légitime le combat que je mène, celui d’une égalité totale entre les humains que ce soit dans la société ou sur les réseaux sociaux.

 

Maéva Rossignol, é(vie)ter la censure ; Tester l'absurdité, 2021
 

bottom of page